Brutalement, la pandémie du Covid 19 est venue suspendre les mouvements et déplacements qui font notre vie courante, les migrations quotidiennes de nos logements à nos lieux de travail…
Elle a fermé des magasins et des lieux publics : cafés et restaurants, églises et mosquées, théâtres et cinémas, musées et parcs ; elle a vidé les rues, immobilisé les voitures dans les garages, bloqué les aéroports et cloué au sol les avions ; elle a également interrompu les grands mouvements migratoires de notre époque… Pour sortir de chez soi, il fallait même un formulaire et risquer une contravention.
Cette fermeture inattendue qui a touché toute la planète a produit des effets divers selon les lieux et les personnes concernés.
En fait, cet enfermement a mis à l’épreuve et fait souffrir celles et ceux qui habitent des logements exigus, voire précaires, en particulier dans des quartiers à forte densité humaine et, a fortiori, ceux qui sont sans logis : sans la soupape de sécurité des sorties professionnelles ou de loisir, la cohabitation permanente de familles nombreuses confinées dans des appartements étroits, a pu développer agressivité, exaspération et même violences entre conjoints comme entre parents et enfants.
Celles et ceux qui bénéficient de logements plus vastes et moins concentrés ont pu profiter de cette immobilité forcée pour se déplacer autrement et élargir leur horizon par la lecture, le spectacle de films ou émissions télévisées, la réflexion et la méditation. Pour eux, ce fut une période de loisirs et de repos, voire même d’épanouissement culturel et spirituel.
Paradoxalement, ce confinement imposé a été l’heureuse occasion d’échapper, malgré nous et à notre insu, à ce que Pascal appelle « tout le malheur des hommes, [lequel] vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». Autrement dit, il aurait dû être un grand moment de bonheur. Evidemment, cette pensée nous amène à d’autres considérations sur la condition humaine comme sur notre situation personnelle.
Toujours confinés et accompagnés de Pascal, nous aurions pu pratiquer des migrations intérieures sur les causes de ce malheur, avant tout, l’incurable besoin de divertissement qui nous met hors de nous-mêmes : au contraire, rentrés en nous-mêmes, nous aurions pu évoluer sur l’échelle et dans les profondeurs de notre mémoire augmentée de tout l’héritage de l’histoire de l’humanité ou élargir nos réflexions aux dimensions de la planète et même du cosmos, conjuguant le réseau de nos relations avec nos souvenirs, croisées avec les informations reçues quotidiennement sur l’actualité de la planète. Nous aurions pu également nous projeter vers le futur à construire et à inventer, en particulier le « temps d’après » qui concerne tous et chacune.
Avant de rejoindre les autres migrations, externes, pour tisser de nouveaux liens, de solidarité et d’hospitalité, vers de nouveaux espaces de liberté.