Habité par ma migration, je ne m’en laisse pas conter par celles et ceux qui cherchent à s’emparer de mon « identité », m’affublant de quelque attribut migratoire comme « il est un migrant » ou bien encore « il est un réfugié » sans même me consulter au préalable pour savoir ce que j’en pense…
Quel monde étonnant que celui qui parle volontiers de liberté, voire d’égalité et qui, au premier moment d’infortune, se réfugie dans la nécessité quasi vitale de chercher à situer autrui dans un groupe autre que le sien propre ! Quelle drôle de socio-politique a priori !
Si j’ose franchir un pas de plus, j’en arrive à percevoir, à regarder, à écouter l’intériorité de ma migration un peu à la mesure d’un process d’individuation qui me serait offert, avec, beaucoup, peu ou pas, de mon consentement ; en quelque sorte comme un don, voire une grâce.
Acteur de ma migration, ne le suis-je pas avant tout en mon for intérieur ? Certes, ma migration est vécue dans le temps et l’espace : mais si ma perception, toute personnelle, de cette expérience prend une tournure assurément physique et sensible, cependant, elle s’inscrit avant tout en moi, sous mon propre regard, en mon intériorité, à la condition, il est vrai, que j’exerce mon libre arbitre face à quelque sociologue, anthropologue ou autre faiseur de « catégorie ».
Ma liberté, c’est alors tout simplement de ne pas me laisser imposer une marque extérieure à ce qui m’est « donné » de vivre en ma propre chair, en mon esprit. Mon expérience peut, il est vrai, être vécue ou partagée avec d’autres en une particularité qui nous réunirait comme un exil ou un autre évènement.
Pour autant, la marque de ma migration m’habite au plus profond de mon être en son unicité.
Ma migration m’habite et je l’habite : ensemble, chemin faisant, nous migrons. Habitée et habitant, ma migration, au gré de ses moments, nous construit, elle et moi, insufflant, en quelque sorte, une dynamique, parfois heureuse, parfois dramatique, comme sait l’être la Vie.
Alors, en cette étreinte si intime, si personnelle, comment laisser autrui s’immiscer en ma migration ? A moins, bien sûr, que je ne l’y invite et qu’ensemble, nous puissions, chacun à notre mesure, écouter la musique de notre migration respective.
Migration, comme un cantus firmus, dont je suis habité et que j’habite.